La droite de l'homme
Hongrie, Belgique, Italie, Suède, etc. L'Europe vire à droite tranquillou. En cause : le mainstream et l'air du temps délétère. Vous êtes en train de faire connaissance avec le "monstre doux".
Occupé à survivre, isolé dans SA crise (chômage, solitude, retraite, peur de l'avenir, ...), l'européen moyen se fait doucement happer par la droite décomplexée. Donnant du fun industriel et de l'art en conserve (acteurs ou écrivains nourris aux OGM, nouvelles stars made in TV) le "gentil" nationalisme s'installe aidé de chefs d'entreprise et de patrons de médias. Face à ce constat, la gauche occidentale est dépassée. L'époque ne jure que par la consommation et l'amusement. Moins glam' et plus exigeants, les grands idéaux attendront.
Les 2 skis de la glissade brune : la société de consommation et de défense des intérêts à courts termes + la sécurité et la lutte contre l'immigration = planter de bâton dans le dos de la générosité, de la réflexion sereine. L'humain ne pense plus, il dépense et ça la droite conquérante l'a bien saisi.
Raffaele Simone, linguiste italien, analyse justement ce dérapage contrôlé du côté où le coeur ne bat pas. Dans son essai Le Monstre doux. L'Occident vire-t-il à droite ?, il aide à comprendre pourquoi malgré la grave crise financière et les excès du libéralisme, la gauche mange le trottoir. Bien placé pour étudier le phénomène de montée nationaliste, puisque l'Italie n'est pas connue pour son excessif altruisme, le philosophe Simone s'est souvenu d'une histoire de la domination.
En effet, dans De La Démocratie en Amérique Alexis de Tocqueville écrivait déjà qu'un nouveau po uvoir transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en "une foule innombrable d'hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée des autres". Ces hommes remettent leur destinée à "un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d'assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète."
Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s'associer pour résister, ça ne vous rappelle personne ?
En Italie, ce pouvoir populiste proche de la haute finance et des médias est incarné jusqu'à la caricature avec ses filles nues à la télé et la presse parlant d'une unique voix. En France, un diner au Fouquet's a annoncé ce flirt dangereux entre politique et argent où le Président se la donne option star américaine. Berlu et Sarko jouent les nouveaux pères d'un peuple avachi par le shopping et le temps de cerveau disponible. Dans l'euphorie, on achète même la vaseline pour faire passer les casseroles de ces charmants dirigeants.
La Suède dernièrement s'est aussi laissée prendre au jeu de l'auto-protection facile, mais dangereusement etouffante, tout comme la Hongrie ou la Belgique déchirée.
Le vrai constat pourtant est simple, quand ça sent mauvais il faut aérer. Les enfants peuvent se lever pour aller jouer dehors, sur un terrain plus grand et avec d'autres enfants. Il faut (s')ouvrir pour chasser le monstre, même doux. L'entre soi n'entraine qu'à la dégénérescence.