(Re)traite des femmes
"Dans un voyage en absurdie
Que je fais lorsque je m’ennuie,
J’ai imaginé sans complexe
Qu’un matin je changeais de sexe,
Que je vivais l’étrange drame
D’être une femme, D’être une femme.
Depuis les années 80,
Les femmes sont des hommes à temps plein
Finis les revendications
C’qu’elles ont voulu maintenant elles l’ont
ce sont toutes des femmes accomplies
Sans vraiment besoin d’un mari
Femme capitaine de société
Elles ont d’autres chats à fouetter
de conseils d’administration
de longs diners en réunion
passer en coup de vent chez le coiffeur
se maquiller dans l’ascenceur
elles rentrent épuisées tous les soirs
la télé elles veulent plus la voir
à peine la couv’ d’un magazine
et un cachet qui les assassine"
Ainsi, pour M. Sardou être une femme en 2010 ressemble étrangement à un script de pub pour le shampoing version 90's ("Moi, je vis avec mon temps, avec le progrès."). Mon Michou descend de tes talonnettes.
En 2010, les femmes libérées se comptent sur les doigts du pouce. Plus précarisées que la moyenne, elles se battent encore contre les préjugés machistes : Femme = pondeuse = boniche. Les rares working girls sont forcément frustrées ou gouines, voire les deux.
Gouine c'est possible, frustrée c'est sûr avec un salaire plus bas que celui d'un vrai mec : 27% de moins en moyenne, 10% à poste égal. Oublie le shopping meuf.
Soumise plus souvent au temps partiel (pour pouvoir tenir sa maison correctement), cumulant difficilement un taux plein (pour cause de maternité et de chômage) et espérant une pension à faire pleurer un Rom (puisqu'à salaire moindre, retraite moindre), une vieille vaut la moitié d'un vieux.
Elles l'ont dans le Fillon
La bonne blague du moment est que la réforme en cours traite du passage de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans. Selon le 6e rapport du conseil d'organisation des retraites (le COR) l'allongement de la durée de cotisation existe déjà au pays des femmes. Depuis la première réforme Fillon en 1993, cela s'est même accru.
Contraintes à toucher une pension plus faible, près de 50% des dames nées en 1938 ont, par exemple, dû quitter leur emploi à 65 ans contre à peine 16% des messieurs du même âge. À ceci s'ajoute que 2/3 des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes. En général, elles touchent 745€ quand ils en ont 1550€. Quand on sait le prix d'un coiffeur pour dame, on comprend mieux la frénésie de couleurs maison tirant sur le violet.
Si la nouvelle réforme passe, les premières victimes seront les femmes. C'est pourquoi 9 parlementaires de gauche (1), inspirés par un collectif d'associations et de syndicats (2), ont saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde).
Maintenant l'intro de Sardou apparaît dans toute sa goguenardise : "Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie (...) je vivais l'étrange drame d'être une femme." Tout est dit.
(1) Marie-Hélène Amiable (PCF), Martine Billard (Parti de gauche), Danielle Bousquet (PS), Patrick Braouezec (Fase), Marie-George Buffet (PCF), Jean Desessard (Verts), Noël Mamère (Verts), Roland Muzeau (PCF), Anny Poursinoff (Verts)
(2) Attac, FSU, Solidaires, Fondation Copernic